La force majeure constitue une notion juridique dont les implications sont majeures dans les relations contractuelles. Elle intervient lorsqu’un événement imprévisible, irrésistible et extérieur empêche une partie d’exécuter ses obligations. Dans un contexte économique instable ou face à des événements naturels ou sociaux graves, cette notion prend une place centrale dans les litiges et la rédaction des contrats.
La jurisprudence française a progressivement défini des cas précis qui peuvent être qualifiés de force majeure. L’analyse repose sur trois critères : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité de l’événement par rapport à la partie qui l’invoque.
Les tremblements de terre, les inondations, les tempêtes, les éruptions volcaniques ou les cyclones sont fréquemment admis comme cas de force majeure. Par exemple, une entreprise de transport confrontée à une crue majeure ayant détruit un pont routier peut être dégagée de sa responsabilité pour non-livraison dans les délais.
L’épidémie de Covid-19 a soulevé des questions juridiques complexes sur la force majeure. Certains tribunaux ont accepté la pandémie comme cause exonératoire, à condition de démontrer son impact concret sur l’exécution du contrat. Ainsi, un organisateur d’événements dont les lieux ont été fermés par décret préfectoral a pu faire valoir la force majeure.
Un embargo, une interdiction administrative ou une mesure gouvernementale imprévue peuvent constituer une force majeure. Si une entreprise exportatrice est confrontée à une interdiction soudaine d’exportation émise par le gouvernement du pays importateur, cette mesure extérieure rend l’exécution du contrat impossible.
Des grèves générales ou des émeutes incontrôlables, à condition qu’elles ne soient pas prévisibles lors de la conclusion du contrat, peuvent être admises comme cas de force majeure. Une usine paralysée par un mouvement social national déclenché après la signature du contrat est un exemple typique.
L’invocation de la force majeure requiert une démarche rigoureuse. La partie concernée doit d’abord établir l’existence de l’événement remplissant les trois critères juridiques. La preuve repose souvent sur des documents officiels, des attestations ou des rapports d’experts.
Il convient également de notifier l’autre partie contractante dans un délai raisonnable. En général, cette notification se fait par écrit avec explication détaillée de l’événement et de ses conséquences sur l’exécution du contrat. Un prestataire de services empêché par un incendie de locaux devra, par exemple, envoyer une lettre recommandée indiquant la date de l’incendie, le rapport de la police ou des pompiers, et l’impossibilité d’assurer le service prévu.
Certains contrats prévoient des modalités spécifiques pour la déclaration de force majeure. Le non-respect de ces modalités peut rendre l’argument inopérant. Une clause imposant un préavis de 10 jours doit être strictement suivie, même si la situation semble évidente.
La rédaction contractuelle joue un rôle central. Une clause de force majeure bien rédigée permet d’anticiper les litiges. Voici un exemple classique utilisé dans les contrats commerciaux :
« Aucune des parties ne sera tenue responsable de l’inexécution ou du retard dans l’exécution de ses obligations, si cette inexécution résulte d’un événement indépendant de sa volonté, notamment en cas de catastrophe naturelle, guerre, émeute, acte terroriste, grève générale, incendie, ou décision administrative. La partie affectée devra informer l’autre partie dans un délai de 5 jours ouvrables à compter de la survenance de l’événement. »
Cette clause précise les événements envisagés et impose une obligation de notification. Elle sécurise juridiquement le contrat et permet d’éviter l’interprétation extensive ou restrictive par un juge.
Il existe aussi des clauses dites « ouvertes » qui ne listeront pas les cas mais évoqueront tout événement remplissant les conditions définies par la jurisprudence. Cela offre davantage de souplesse, mais présente un risque d’incertitude en cas de contentieux.
L’effet de la force majeure varie selon la nature de l’obligation. Pour une obligation de résultat, la force majeure libère la partie défaillante de toute responsabilité. Pour une obligation de moyens, elle permet d’écarter la faute si l’événement a rendu l’exécution objectivement impossible.
Par exemple, un transporteur qui s’engage à livrer une marchandise à une date fixe ne sera pas tenu responsable si un glissement de terrain coupe la route unique menant au client. En revanche, un avocat qui n’a pas déposé un acte en justice dans les délais en raison d’une panne informatique sur plusieurs jours devra prouver que l’impossibilité était absolue.
Les tribunaux analysent chaque situation au cas par cas, en fonction des faits et des éléments de preuve. La force majeure n’est jamais présumée. Elle doit être démontrée par celui qui s’en prévaut.